Neuroscepticisme (2) : affectivité
Affectivité : n.f. Caractère des phénomènes qui provoquent une réaction organique consciente
(source : CNRTL)
Le débat sur le changement climatique n'a rien à voir avec la science. Il s'agit d'une manœuvre des pouvoirs en place et des élites visant à imposer des contrôles politiques et économiques sur la population.
Et c'est un moyen supplémentaire — un parmi tant d'autres — pour diviser la population en deux, avec une partie qui mord à l'hameçon du réchauffement climatique anthropique et une autre qui le conteste, selon le sempiternel "diviser pour mieux régner".
- attribué à un commentateur de l'émission radiophonique de Hal Turner
(souligné par une auteure SOTT)
Des commentaires comme celui-ci sont pour moi une source intarissable de joie perpétuellement renouvelée. Derrière la machine linguistique, l'humain : engagé, superstitieux, éternellement satisfait de la sempiternalité. Con, en somme, à l'image de son lecteur et critique, votre grammatical serviteur, qui n'attend rien que la fin de cette introduction maladroite pour en venir à son propos.
D'une façon générale, l'affectivité est la marque des sentiments et des humeurs qu'affecte un individu. Lorsque ce dernier s'exprime, elle transparaît dans le timbre de voix, le rythme, l'accentuation, plus ou moins régulière, le volume d'air expulsé, mais aussi dans les mots qu'il choisit, le registre qu'il adopte, la ponctuation (en fin de citation, ces guillemets de MERDE !!!), et enfin, et surtout, dans l'ar-gu-men-ta-tion.
Oui oui (c'est, en tout cas, une idée que je défends :) quelqu'un qui argumente laisse paraître ses affects bien plus que celui ou celle qui en fait tout un poème. Car si leur présence, dans un poème par exemple, va de soi, dans l'argumentation, au milieu des informations et des raisonnements que notre cerveau peine à assimiler, les affects surprennent, et distraient le plus souvent.
Excepté qu'eux aussi peuvent provoquer notre rejet ou notre adhésion. Cela à la manière d'une personne inutilement dévêtue, dans une publicité, ou d'une image, martelée sans rime ni raison, dans le texte.
Dans la citation qui précède, le lecteur devine le mépris du commentateur envers cette partie de la population qui mord à l'hameçon. Cette seule expression, dite figée, dans les grammaires, est une marque d'affectivité. Elle vient se loger au milieu d'un raisonnement clair en tout point : les débats sur le réchauffement climatique divisent la population, ce qui profite à ceux qui, telle une rivière, coulent au milieu.
Ce qui est remarquable, ce n'est pas tant la marque d'affectivité que suggère l'expression figée "mordre à l'hameçon"*, que la contradiction que cela va engendrer dans le texte. [*ndm : les expressions figées ne sont pas systématiquement admises par les spécialistes du discours comme des marques d'affectivité. Conforté par le ton global adopté par l'auteur, et par ce qui suit, je pars du principe qu'il en va bien ainsi].
Si l'objectif est de montrer que le débat sur le dérèglement climatique est fondé sur la division entre partisans et détracteurs, le meilleur moyen pour y parvenir serait sans doute de ne pas prendre parti. Par exemple en affirmant que l'on n'en sait rien, qu'une telle étude dépasse nos compétences, ou notre entendement. Voire ne rien affirmer du tout, et se contenter d'observer ladite division. Mais ici, l'auteur du commentaire manifeste une distance affective vis-à-vis des partisans. Il prend parti, et renforce du même coup l'effet pervers que son argumentation vise à combattre. Il crée, consciemment (cf. définition supra), de la dissension. Ce qui détruit son argument avant même qu'il l'ait énoncé.
Le poisson qui se mord la queue (en forme d'hameçon, la queue... je disparais).
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Autre exemple :
Ça commence très fort : « La crise mondiale déclenchée par la pandémie de coronavirus n'a pas d'équivalent dans l'histoire moderne. » (...). C'est bien sûr faux, l'islamisme et l'immigration incontrôlée sont bien plus dangereux, pour l'Occident en tout cas, mais il faut susciter la peur, sinon l'apocalypse, afin de prendre le pouvoir sur les esprits, comme je l'explique dans mon livre La Renaissance de l'Occident.
- Phillippe Herlin pour France Soir,
citant Covid-19 : la grande réinitialisation
de Klaus Schwab et Thierry Malleret
Extrait de SOTT daté du 11 janvier 2021. Dans un premier temps, Philippe Herlin signale un fait bien plus dangereux que la crise du COVID ; dans un second temps, il accuse les auteurs de susciter la peur, sinon l'apocalypse.
Nulle part, dans la suite de l'article, il n'est à nouveau fait mention de l'islamisme ou de l'immigration. La comparaison, pour ce qu'elle vaut, n'est pas destinée à soutenir la thèse de cet article (en gros : la crise du COVID sert à une frange de la population anti-capitaliste à prendre le contrôle sur les esprits par la peur).
En même temps qu'il affirme l'importance du danger, l'auteur attaque la thèse adverse en utilisant un déplacement de la référence (crise du COVID > peur suscitée, cf. billet précédent). Comme dans l'extrait précédent, iI use d'un procédé et l'incrimine dans la même phrase.
Comme dans l'extrait précédent, on retrouve des marques d'affectivité dans le texte (redoublement des adverbes + cliché biblique).
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En dehors des expressions figées, des adverbes superlatifs et des affirmations péremptoires, l'ironie est une marque d'affectivité courante dans le discours. Un exemple dans cet article :
Je suis allé soutenir les restaurateurs en colère aujourd'hui. Muni de mon écharpe d'élu j'avais en effet prévu d'aller braver l'interdiction de s'asseoir à une table de restaurant pour déjeuner - crime abominable dans la macronie triomphante où le temple de la malbouffe, MacDo, est ouvert bien sûr et fonctionne à plein régime en mode drive-in, mais pas les restaurateurs indépendants.
Avec le déplacement de la référence textuelle, la marque affective contradictoire est le deuxième procédé récurrent que j'ai pu observer sur SOTT.
Pour celui-ci, j'hésite à parler de manipulation, comme j'ai pu le faire dans le précédent billet. La nature de l'affectivité, et il faut ici philosopher, est que la conscience y prend part pleinement (cf. définition, supra). Cela laisse peu de place à la manipulation, qui, même grossière, nécessite une certaine attention. Ainsi que je la conçois personnellement.
Si l'affect est bien présent dans ces extraits (au lecteur d'en juger), alors il n'est pas question de manipuler le texte à une quelconque fin. C'est plus probablement le jeu de l'écriture, l'affranchissement des règles propres à l'échange verbal, qui provoque l'enthousiasme et la libération de l'affect dans le texte. Ce que j'appellerai volontiers le symptôme du troll.
Si le lecteur partage cet affect, le poids de l'affectivité (parce que oui, c'est lourd) fait que la contradiction sera levée.
Dans le cas contraire, elle saute aux yeux.