Grammar Nazi Explicit Content

Grammar Nazi Explicit Content

Fight Pen

 

Un billet amateur daté de 2012, qui m'a beaucoup fait rire :

http://allenjohn.over-blog.com/article-fight-club-david-fin…

 

Pour résumé, c'est l'histoire de John, un bloggeur qui n'arrive pas à dormir et qui erre toutes les nuits dans les vidéoclubs encore ouverts en 2012. Un matin, il se réveille au milieu de la rue avec, dans les mains, la jaquette oubliée du film de David Fincher, d'une part. D'autre part, il l'ouvre. Apparaît devant lui un reporter de Télérama. Ils sympathisent, échangent leur numéro et vont boire un verre. Là, ils partagent leur avis sur le film. De la merde. Les voilà complices.

A peine sorti du bar, le reporter se tourne vers John :

- Insulte-moi !

- Mais je n'ai jamais insulté personne ! Je ne saurais même pas comment m'y prendre.

- Et comment tu pourrais le savoir, si tu n'as jamais insulté personne ?"

La suite, vous la connaissez.

 

L'article de Télérama : www.telerama.fr/cinema/films/fight-club,47628.php (réservé aux abonnés, ainsi qu'à ceux qui ont la chance de n'avoir jamais ouvert un article de Télérama avec leur adresse IP - ce qui était mon cas, soit dit en passant)

 

La critique

- Mon problème, c'est que je n'ai aucun enthousiasme pour un film qui sous couvert de montrer une utopie qui dégénère ricane de façon volontiers refroidissante contre les bien-pensants.

 

Comme le film a été qualifié de "dégueulasse" et d'"anarcho-nauséabond" par Les Cahiers du cinéma et Libération (source au dos de la jaquette oubliée), on ne peut pas dire que le point de vue de John sorte des sentiers balisés. Mais c'est bien là l'intérêt de son billet : tenter de se dédouaner des points de vue politico-moraux énoncés sur le film tout en exprimant son propre rejet.

 

Concernant cette phrase de John, elle est magnifique : claire, concise, rythmée au point de pouvoir se passer de virgules, riche d'informations et transparente de sincérité. Une perle de bloggeur comme j'aimerais en pondre plus souvent. Et pourtant je n'arrive pas, ni dans le film de Fincher, dont je suis fan, ni dans le billet de John, qui m'a fait rire, je n'arrive pas à savoir qui sont les "bien-pensants" auxquels il est fait référence. Vrai, je suis tout bonnement incapable de me faire une image de ce que l'auteur entend par là. No one is innocent. Est-ce que le film se moque des cancéreux en les faisant adhérer à un club de boxe clandestin ? Est-ce que le film se moque des gentils garçons qui adhèrent au Projet Chaos parce qu'ils sont soumis à la personnalité de son leader ? Est-ce que le film se moque des patrons et employés qui calculent le coût de la mort de leur assurés ? Non, peut-être et oui. Mais là encore, qui sont les bien-pensants ?

Quand on lit son admiration pour Fincher dans ses autres billets, le ton désabusé et cynique que prend le bloggeur surprend d'autant plus : "lui qu'on accuse à tort et à travers de faire dans l'excès de virtuosité, est surtout un champion du placement juste et rigoureux, de la scène parfaitement accomplie" (sur Se7en). Ne pas aimer ou relever les défauts d'une réalisation peut se passer de sarcasme, à plus forte raison quand on est fan du réalisateur. De fait, on peut être déçu de ne rien trouver de plus substantiel concernant le film, l'histoire ou sa réalisation.

 

- j'ai détesté le fait qu'on y voie un homme s'enrichir en vendant du savon fait à partir de graisse humaine ("Peut-on rire de tout?", rappel.)

 

"Oui, on peut, on doit rire de tout. (...) Peut-on rire avec tout le monde ? C'est dur." (Pierre Desproges)

 

- Bref: si je n'aime pas Fight club, ce n'est pas parce qu'il se fait l'avocat d'une idéologie douteuse, il faudrait être absent des neurones (Ou reporter à Télérama) pour le croire ; non, c'est tout simplement parce que je trouve le film trop long, trop riche, trop chargé, trop clinquant, trop tout.

 

C'est ce passage à la ponctuation douteuse qui m'a fait rire. Rien que le rythme déjà : "Bref : si je n'aime pas... blablabla ; non...". Et là-dedans, un pauvre pigiste de Telerama qui n'a rien demandé se fait insulter.

Cette "idéologie douteuse" (inspirée de la diatribe de Telerama donc) mérite sans doute qu'on s'y intéresse, d'autant qu'on la retrouve dans cette autre critique, contemporaine, des Inrocks :

 

"18 ans plus tard

(...) si Fight Club avait quelque chose de novateur et de choquant à son époque et reste culte de nos jours, lui qui se voulait être l'Orange mécanique ou le Salò de la fin du siècle se révèle aujourd'hui une oeuvre à l'idéologie certes douteuse et antipathique mais finalement bien inoffensive. La satire sociale clamée pendant tout le film par le révolutionnaire Tyler se dégonflent en effet lorsque le film prend l'excuse de la schizophrénie pour se dédouaner de ses excès et se clore sur une impasse. (...)"

 

(" lui qui se voulait l'Orange mécanique ou le Salô de la fin de siècle"... Fallait avoir les bollocks pour l'écrire celle-là.)

 

Ah, elle est belle l'utopie punk (Télérama) ! Mais qu'elle vive, cette révolution (Les Inrocks) ! Voilà... chacun cherche son chat, comme dirait l'autre. Quel dommage que le héros soit finalement un schyzophrène qui se crée une personnalité pour avancer sur le plan personnel, et ignore cette personnalité pour partir au boulot le matin. Mais quel dommage ! Cela aurait fait un si bon film...

 

- On ne reprochera pas, une fois de plus, sa virtuosité à Fincher, mais j'assume: il avait mieux à faire que ce déballage punk, et il l'a souvent fait depuis.

 

Attention à ne pas vous grillez les neurones à confondre "déballage punk" avec "idéologie douteuse" ou vous risquez de finir reporter à Télérama.

 

Perso...

Les 8 règles du Fight Club en poster dans ma chambre/salon/cuisine/salle à manger désobjectivisent mon propre avis sur le film. Mais les critiques citées ont en commun de ne pas s'intéresser à leur sujet.

Nulle part il y est fait mention de l'adaptation du roman de Chuck Palahniuk. Nulle part l'auteur nous offre un synopsis ou un résumé sur lequel faire tenir son propos. Du coup, cette "idéologie douteuse" (expression galvaudée, quand tu nous tiens) n'y est nulle part développée. La moindre de ligne de scénario s'embourbe aussitôt dans des vues politico-morales propres à chaque auteur. Et ce n'est pas la tentative de John de s'en émanciper qui viendra me contredire.

 

Résumé : Jack est un célibataire passif et sans rêve. N'en pouvant plus de ses insomnies, il décide de veiller dans des clubs de cancéreux afin de s'estimer plus heureux (sur les conseils de son médecin). C'est ainsi qu'il rencontre Marla, la femme de sa vie (qui n'est pas cancéreuse non plus), et Tyler, son autre personnalité. Au début, il tente de les ignorer. On apprend vers la fin du film que Tyler a toujours existé. Ce qui explique les insomnies de Jack.

L'action démarre suite à la rencontre entre Jack et Tyler, juste après que Jack ait tenté de reprendre sa vie en main. Le voyant faire, Tyler va brûler son appartement. Il y a aussi Marla, bien sûr : Tyler la baise ; Jack continue de faire le désintéressé.

Le film raconte l'histoire de ce combat intime (Fight Club) : la raison, qui avance avec froideur et cynisme* dans une société d'assurances, et qui ignore tout des passions de son hôte ; la passion, qui bouscule et monopolise l'attention, et qui ignore tout des recommandations de son hôte. Après s'être gentiment mis des baffes, l'une finira par tirer sur l'autre.

 

Le twist est peut-être merdique, la fin est sans doute absurde, mais la morale est entière : Jack a avancé dans sa vie sociale, financière et amoureuse en rencontrant Tyler. Une fois à la merci de ce dernier, un dernier geste de Jack réinstaure l'équilibre et le héros peut enlacer sa promise. Une fin qui vaut ce qu'elle vaut, mais qui a le mérite d'épuiser son sujet, et qui se passe d'idéologie.

 

Certes (haha... hum, pardon), Tyler (et non le film) se joue ouvertement des petites gens et des plus notables. Mais c'est de façon très naturelle que le spectateur préfère cette attitude d'esprit au cynisme* de Jack. Ceci, dis-je, sert l'histoire. A aucun moment le film n'érige le point de vue de Tyler en point de vue suprême (le personnage meurt à la fin). Ce n'est qu'avec la complicité du spectateur qu'une telle affirmation se produit (si vous doutez, vous pourrez toujours lire le second volet en bande-dessinée ;).

Et lorsque le spectateur quitte Tyler, il se retourne aussitôt vers Jack.

Sans déc, c'est très bien fait.

 

Voilà. Et pour ce qui est de l'image semi-subliminale à la fin du film, si vous mettez sur pause et que vous agrandissez, vous y verrez très distinctement écrit : "bande de mous".

 

 

 

Le gars derrière

 

 

 

*les cyniques, dans l'Antiquité, étaient un groupe de philosophes qui rejetaient les conventions et les préceptes moraux. Le terme vient originellement du mot "chien" en grec ancien. Le cynisme est le courant philosophique qui se rapproche probablement le plus du mouvement punk. Le cynisme, au sens commun, de Jack est ce qui va le rapprocher de Tyler, qui est cynique au sens philosophique.

 



26/06/2019
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi